Monday, October 19, 2009

Et pour quelques “Brandeurs” de plus…

Et pour quelques “Brandeurs” de plus…

Maurice est un pays admirable (tiens, qui d’autre a dit ça?...) La liberté de dire y est, plus que nulle part ailleurs, un mode de vie. Et puisque j’y vis, je vais donc y aller moi aussi de mon petit laus et réagir, en premier lieu, au concert qui a retenti dans les colonnes du Mauricien du 14 octobre, en page 8, dans la rubrique Forum.

En lisant cette page, on a l’impression qu’une guerre ouverte a été declarée contre Mauritius, c’est un plaisir. Le Mauricien a ainsi rassemblé plusieurs opinions sous la même bannière. Ma réaction sera donc frontale. Elle s’adresse à ces personnes (la plupart sont Mauriciennes) qui ont exprimé leur opinion sur notre image de marque fraîchement dévoilée.

En fait, je serais plutôt tenté de dire qu’elles ont pris un malin plaisir à vouloir marquer au fer rouge une équipe avec laquelle j’ai le privilège de travailler, c’est un plaisir, qui fait tout le boulot depuis un sacré bout de temps déjà. Un boulot que personne d’autre n’a jamais pu ou su ou voulu faire auparavant.

Ainsi, l’une d’entre elles, ayant probablement perdu le nord, trouve des “M sans âme” des “Maurisiousse”, des montagnes a la place de l’ile, des “erreurs de stratégie”, une “absence de diversité”. Une autre obsédée, griffée semble-t-il par l’image du tigre, est “frappée de stupeur”, voit des “monstruosités architecturales” au pied du Pieter Both, se noie dans les “nuages de fumée” des véhicules et lorsqu’elle est dans les rues de Maurice, “slalome entre les crachats”. Une troisième, croyant bien faire, a eu la lumineuse idée de décliner une vingtaine de brands mais se tire une balle dans le pied puisqu’elles se révèlent au final beaucoup moins attrayantes que la nôtre. De dépit, elle finit par comparer Maurice à Blackpool, on se demande si elle ne s’est pas trompée d’hémisphère. Une autre encore affirme qu’une école primaire aurait pu pondre une meilleure image de marque, ce qui nous amène à nous interroger sur son niveau de compétence à lui.
Une dernière enfin, profitant de l’occasion pour régler quelques comptes et donner quelques leçons d’histoire (tiens, où ai-je entendu ça?...) livre une thèse cosmétique et/ou indigeste qu’elle aurait probablement rêvé voir valider et finit par dériver vers le tourisme sexuel.

Toutes ces personnes ou presque, soit dit en passant, ont un problème avec le fric. Elles citent avec avidité une somme d’argent comme si elles regrettaient de ne pas avoir pu l’empocher. Eh bien oui, un exercice comme celui qui a eu lieu depuis plus d’un an, ça a un prix et ça se paie, n’en déplaise à ces personnes.

Il est donc bien facile de résumer de raccourcir de réduire de détruire. Il est, en revanche, moins aisé de traduire, de suggérer, d’attirer, de créer. Et de plaire…

Quoiqu’il en soit, le Forum du Mauricien nous aura rendu un service: celui de démontrer à quel point des personnes d’horizons divers peuvent se retrouver dans la même impasse, lorsqu’elles sont porteuses de négativité, obsédées par le mauvais côté des choses, lorsqu’elles sont prêtes à abuser de leur liberté de dire (et d’écrire). Leur imagination est alors débordante, démesurée, désopilante, bref, vraiment pas sérieuse. Et si toute cette aigreur avait été transcendée en créativité PENDANT tout l’exercice de consultation multi-sectorielle qui a duré plus d’un an et mis à contribution l’ensemble des secteurs d’activités? Il faut croire que ces personnes ont choisi de ne pas lire le Mauricien (qui a régulièrement écrit sur tout l’exercice) durant toute cette période. Ou alors étaient-elles occupées à faire chauffer à blanc leurs fers à marquer ?

Prenant une certaine liberté avec la langue et les règles, je les appellerais les “Brandeurs”.

Avant de conclure et en dernier lieu, je voudrais réagir par rapport à l’éditorial de Gilbert Ahnee, paru dans le Mauricien du même jour, en page 3. Faisant écho à nos “Brandeurs”, le rédacteur en chef du Mauricien les qualifie d’ “observateurs avertis des tendances”, estimant aussi qu’ils sont “bien placés pour comprendre les enjeux de la stratégie et du positionnement”. Comme s’il suffisait de l’écrire pour que cela se transforme en réalité, dangereuse assertion!

Mais ne nous laissons plus assourdir par la rhétorique, je m’empresserai donc de tourner la page. Il est clair que ceux qui se sont exprimés sur la page publique du Mauricien n’ont jamais réellement pris la mesure de leur île. J’aimerais pouvoir les rassurer car pour moi vivre, être en vacances, travailler, aimer, boire et manger, s’investir, à Maurice, c’est, définitivement un plaisir…

Monday, October 5, 2009

Les militants de l’heure d’été

Les militants de l’heure d’été,
ou Lorsque le ridicule ne tue pas


Dans la nuit du 22 au 23 septembre derniers, un événement ordinaire s’est produit à l’île Maurice. Tellement ordinaire que ça a eu lieu dans l’indifférence, dans l’igorance générale. Occupés que nous étions tous à nos commémorations en tout genre et à notre brûlante actualité - brûlante pour la langue s’entend - nous l’avons occulté, comme nous le faisons d’ailleurs chaque année. Pourtant l’équinoxe – puisque c’est de lui qu’il s’agit – marque une étape importante dans le rythme de nos vies et de la nature qui nous entoure.

La date de l’équinoxe est immuable, ou presque, pusqu’elle peut varier d’un jour tous les 400 ans. L’équinoxe marque ainsi la fin de l’hiver tropical et annonce l’été. Ah! l’été, cette saison torride que nous envient tous les gens du nord… Celui de cette année sera pourtant un peu fade, comparé au précédent.

Je me rappellerai toujours de l’été 2008… Certaines personnes évoquent avec une grande nostalgie ces années qui auront marqué leur vie: l’été 1942, l’été 1968, l’été 1989… Pour moi, l’été 2008 fera date dans l’histoire de notre île et ce pour deux raisons intimement liées, revers d’une même médaille. En introduisant l’heure d’été, 2008 aura ouvert à certains les portes d’un horizon nouveau et aura révélé l’incapacité des autres à s’adapter au changement. L’idée était géniale, tellement géniale qu’elle ne sera pas renouvelée en 2009…

L’heure d’été avait donné une dimension nouvelle à nos petites vies insulaires, brisant la monotonie des journées poussives, prolongeant le moment magique qui marque la transition entre jour et nuit.
A 20h, nous étions encore dehors, à admirer le soleil couchant, à nous ébattre en plein air, à courir ou à marcher, à nous oxygéner les voies respiratoires, à nous recharger les neurones après nous être extirpés du trafic et des embouteillages.
Dix ou onze heures plus tard, il n’était pas encore levé que nous le devancions, sur le chemin de l’école et du travail, déjà prêts à reprendre le rythme infernal. Nous avancions à pas feutrés dans la douceur exquise du petit matin, tout à l’émerveillement d’une aube nouvelle, jusqu’à ce que les premiers rayons viennent éclairer notre journée.

Mais bon! l’été 2008 n’est plus qu’un souvenir puisque le gouvernement, à travers un communiqué bref comme une claque, a informé les Mauriciens que, cette année, il n’y aurait pas d’heure d’été à cause des protestations de divers groupes…

J’ai encore en mémoire le tollé, la levée de boucliers qu’a suscité l’heure d’été, avant même son introduction et tout au long de l’été 2008-09. Parents d’élèves, employés des transports, ouvriers, fonctionnaires, mais aussi certains religieux et même les… fans de foot se sont élevés contre la nouveauté, se constituant en groupes de pression, investissant les media et la place publique. Cette heure, ils n’en voulaient pas, elle leur est restée en travers de la gorge – ils n’ont d’ailleurs même pas pu en profiter, occupés qu’ils étaient à râler.

Et s’il avait fallu s’adapter, si la mesure d’économie d’énergie avait porté ses fruits à un plan national? Si le gouvernement, faisant fi de petites considérations égoïstes des citoyens lambda, avait imposé, cette année encore, la mesure? Comme le veut la coutume mauricienne, les lobbies se sont déchaînés, prêts à renverser le pouvoir, soucieux de défendre la forteresse des petites habitudes.

Les protestaires disaient qu’ils souffraient, avaient même exprimé leur inquiétude par rapport à la santé mentale de leurs enfants transformés, le temps d’un été, en zombies.

Je ne jugerai pas de la souffrance des autres, ce n’est pas mon rôle. Je me sens cependant obligé, au nom de ceux qui adhèrent aux idées nouvelles, de faire un constat. Avec l’introduction ratée de l’heure d’été sur une base permanente, c’est la faculté d’adaptation du Mauricien au changement qui a été sérieusement ébranlée. Durant l’été 2008, il a été soumis au test, il a échoué.

Pour la majorité d’entre nous, rien ne saurait remplacer les bonnes vieilles habitudes, les traditions. A part quelques retouches cosmétiques, apportées ça et là, nous refusons de voir modifier sous nos yeux le beau tableau que nous appelons notre quotidien. Nous ne pouvons supporter de voir notre train-train changer de rythme, prendre un chemin de traverse.

Quant à nos traditions, nous y sommes ancrés. Rien ne saurait nous en extirper. Elles exercent un chantage émotionnel sur nous, se substituent aux cultures et religions qu’elles sont censées représenter, en devenant l’objet même de la vénération.

Or, rien de tel pour mettre les traditions à l’épreuve que de les bousculer gentiment. Ainsi, à l’avenir, un nouveau groupe pourrait se constituer: celui des Adorateurs de l’Heure d’Eté. Il militerait pous plus de soleil, ferait ses libations le soir à l’autel du couchant. Il assiègerait les journaux, accaparerait les ondes, ferait pression sur les gouvernants pour ré-introduire l’heure d’été…

Ran nu ler lete! serait le slogan. Ridicule? Pas de crainte, le ridicule ne tue pas. La preuve en a largement été faite tout au long de l’été 2008-09.