Monday, October 5, 2009

Les militants de l’heure d’été

Les militants de l’heure d’été,
ou Lorsque le ridicule ne tue pas


Dans la nuit du 22 au 23 septembre derniers, un événement ordinaire s’est produit à l’île Maurice. Tellement ordinaire que ça a eu lieu dans l’indifférence, dans l’igorance générale. Occupés que nous étions tous à nos commémorations en tout genre et à notre brûlante actualité - brûlante pour la langue s’entend - nous l’avons occulté, comme nous le faisons d’ailleurs chaque année. Pourtant l’équinoxe – puisque c’est de lui qu’il s’agit – marque une étape importante dans le rythme de nos vies et de la nature qui nous entoure.

La date de l’équinoxe est immuable, ou presque, pusqu’elle peut varier d’un jour tous les 400 ans. L’équinoxe marque ainsi la fin de l’hiver tropical et annonce l’été. Ah! l’été, cette saison torride que nous envient tous les gens du nord… Celui de cette année sera pourtant un peu fade, comparé au précédent.

Je me rappellerai toujours de l’été 2008… Certaines personnes évoquent avec une grande nostalgie ces années qui auront marqué leur vie: l’été 1942, l’été 1968, l’été 1989… Pour moi, l’été 2008 fera date dans l’histoire de notre île et ce pour deux raisons intimement liées, revers d’une même médaille. En introduisant l’heure d’été, 2008 aura ouvert à certains les portes d’un horizon nouveau et aura révélé l’incapacité des autres à s’adapter au changement. L’idée était géniale, tellement géniale qu’elle ne sera pas renouvelée en 2009…

L’heure d’été avait donné une dimension nouvelle à nos petites vies insulaires, brisant la monotonie des journées poussives, prolongeant le moment magique qui marque la transition entre jour et nuit.
A 20h, nous étions encore dehors, à admirer le soleil couchant, à nous ébattre en plein air, à courir ou à marcher, à nous oxygéner les voies respiratoires, à nous recharger les neurones après nous être extirpés du trafic et des embouteillages.
Dix ou onze heures plus tard, il n’était pas encore levé que nous le devancions, sur le chemin de l’école et du travail, déjà prêts à reprendre le rythme infernal. Nous avancions à pas feutrés dans la douceur exquise du petit matin, tout à l’émerveillement d’une aube nouvelle, jusqu’à ce que les premiers rayons viennent éclairer notre journée.

Mais bon! l’été 2008 n’est plus qu’un souvenir puisque le gouvernement, à travers un communiqué bref comme une claque, a informé les Mauriciens que, cette année, il n’y aurait pas d’heure d’été à cause des protestations de divers groupes…

J’ai encore en mémoire le tollé, la levée de boucliers qu’a suscité l’heure d’été, avant même son introduction et tout au long de l’été 2008-09. Parents d’élèves, employés des transports, ouvriers, fonctionnaires, mais aussi certains religieux et même les… fans de foot se sont élevés contre la nouveauté, se constituant en groupes de pression, investissant les media et la place publique. Cette heure, ils n’en voulaient pas, elle leur est restée en travers de la gorge – ils n’ont d’ailleurs même pas pu en profiter, occupés qu’ils étaient à râler.

Et s’il avait fallu s’adapter, si la mesure d’économie d’énergie avait porté ses fruits à un plan national? Si le gouvernement, faisant fi de petites considérations égoïstes des citoyens lambda, avait imposé, cette année encore, la mesure? Comme le veut la coutume mauricienne, les lobbies se sont déchaînés, prêts à renverser le pouvoir, soucieux de défendre la forteresse des petites habitudes.

Les protestaires disaient qu’ils souffraient, avaient même exprimé leur inquiétude par rapport à la santé mentale de leurs enfants transformés, le temps d’un été, en zombies.

Je ne jugerai pas de la souffrance des autres, ce n’est pas mon rôle. Je me sens cependant obligé, au nom de ceux qui adhèrent aux idées nouvelles, de faire un constat. Avec l’introduction ratée de l’heure d’été sur une base permanente, c’est la faculté d’adaptation du Mauricien au changement qui a été sérieusement ébranlée. Durant l’été 2008, il a été soumis au test, il a échoué.

Pour la majorité d’entre nous, rien ne saurait remplacer les bonnes vieilles habitudes, les traditions. A part quelques retouches cosmétiques, apportées ça et là, nous refusons de voir modifier sous nos yeux le beau tableau que nous appelons notre quotidien. Nous ne pouvons supporter de voir notre train-train changer de rythme, prendre un chemin de traverse.

Quant à nos traditions, nous y sommes ancrés. Rien ne saurait nous en extirper. Elles exercent un chantage émotionnel sur nous, se substituent aux cultures et religions qu’elles sont censées représenter, en devenant l’objet même de la vénération.

Or, rien de tel pour mettre les traditions à l’épreuve que de les bousculer gentiment. Ainsi, à l’avenir, un nouveau groupe pourrait se constituer: celui des Adorateurs de l’Heure d’Eté. Il militerait pous plus de soleil, ferait ses libations le soir à l’autel du couchant. Il assiègerait les journaux, accaparerait les ondes, ferait pression sur les gouvernants pour ré-introduire l’heure d’été…

Ran nu ler lete! serait le slogan. Ridicule? Pas de crainte, le ridicule ne tue pas. La preuve en a largement été faite tout au long de l’été 2008-09.

1 comment:

  1. BIen dit, notre horizon avait changé, nous les gens de la côte, en rentrant du boulot à Port louis, nous avons retrouvé notre vie balnéaire et les petits BBQ en famille, ; et même la baignade en semaine !
    dommages, les gens de la ville se faisaient chier ! dommage pour nous que ce soient eux qui décident.
    Je suis pour l'heure d 'été

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