Monday, December 21, 2009

Les bons gestes

Et si demain, l’eau du robinet était durablement rationnée, je veux dire, si la fourniture était limitée à quelques heures seulement par jour, sur tout le territoire mauricien, 365 jours par an?... Que ferions nous? Notre première réaction serait-elle de descendre dans la rue pour réclamer à grands coups de gueule le rétablissement de la fourniture, sinon?...

Nous sommes en 2009, bientôt 2010. Les effets dévastateurs du changement climatique sont déjà visibles, inutile de le nier ou de chercher une échappatoire.
Maurice n’est fort heureusement pas le Tchad qui voit son lac se réduire comme une peau de chagrin, ni le Bangladesh où les villages disparaissent sous les eaux, ni non plus l’archipel des Maldives dont le littoral est rongé par les vagues. Face aux dérèglements climatiques, les Mauriciens sont mieux lotis que les îliens des Maldives ou de Tuvalu, ce qui ne veut pas dire que nous sommes à l’abri d’une catastrophe, juste un peu moins vulnérables que beaucoup d’autres petits états insulaires.

Le climat change, les ressources s’amenuisent, les populations les plus vulnérables sont en danger : nous sommes entrés dans un cycle infernal. L’affaire est hélas entendue et il ne sert à rien de perdre du temps à vouloir lui trouver des causes.
Car une chose doit être claire : si nous continuons à gaspiller nos énergies à dénigrer le système responsable de tous nos maux, nous allons faire du surplace. C’est le système qui nous a mené là où nous sommes. Un système aux effets pervers mais qui a aussi créé les vols supersoniques, la médecine high tech ou l’autoroute de l’information, des inventions qui ont permis à l’humanité de modifier son destin. Ce système doit donc évoluer de l’intérieur et non pas imploser, au risque de nous ramener à l’âge de la pierre.

Avec la montée des eaux annoncée, nous sommes tout simplement arrivés à la fin d’un cycle et au commencement d’une ère nouvelle, celle que l’écrivain américain Alvin Toffler a baptisé la Troisième Vague, nom prémonitoire.

Au Sommet de Copenhague, Etats et groupes de pression se sont affrontés, pendant une bonne partie du mois de décembre, dans un affligeant duel à distance, chacun défendant sa position. Comme toutes les grand’ messes, celle de Copenhague a surtout fait dans le spectaculaire, pour ne pas dire le superflu.

De quoi Copenhague a accouché ? De pas grand-chose, hélas, hormis les discours et les promesses. Tout le monde espérait une entente des Etats sur la réduction du taux d’émission de gaz à effet de serre de… combien déjà ? Personne n’est plus en mesure de donner un chiffre exact. Tout compte fait, il ne s’agit tout simplement pas de chiffrer nos attitudes mais bel et bien de les modifier.

Alors, avant de songer à descendre dans la rue, à tout casser pour réclamer de l’eau (sous d’autres cieux, en d’autres temps c’eut été du pain), essayons d’adopter les bons gestes qui contribueront à sauver ce qui peut encore l’être. Autrement dit, concentrons nous sur les solutions aux problèmes puisque les diagnostics sont déjà connus

Avant d’être collective la solution est surtout individuelle. Ce sont les millions de petits gestes qui, accolés les uns aux autres, peuvent faire la différence.

Au coeur de l’équation, entre protesters surexcités et gouvernements impuissants des dizaines, des centaines de millions, quelques milliards, de gens ordinaires. Quelle est l’équation ? Elle est simple : il faut limiter les dépenses, les excès, le gâchis… Bref, réduire la facture. Au lieu de vouloir imposer des quotas, il incombe a chacun d’entre nous, vous et moi gens ordinaires, citoyens de la planète, de faire les efforts nécessaires à réduire la pression sur la nature. Pourquoi attendre que cela soit imposé ? Que veut dire une réduction ? Au point où nous sommes rendus, réduction rime avec changement. Un changement drastique de nos modes de vie. Pourquoi attendre que l’on nous y oblige ?

Il serait trop illusoire de vouloir tout miser sur la seule contestation ou sur les projets des gouvernements qui, à Maurice, bénéficient déjà d’une large promotion (utilisation d’éoliennes, de chauffe eau solaires, le recyclage des déchets). Enfermés dans un cercle vicieux, infernal, nous sommes aujourd’hui tiraillés entre la facilité de ne rien faire, le désir de trop faire ou l’erreur de faire semblant. Or, il nous faut renverser la vapeur en appliquant un certain nombre de mesures que j’appellerai les bons gestes


Je propose surtout de commettre des excès… à l’envers. Voici ma liste de propositions :
Economie d’eau débordante, depuis les lavabos au moment de se laver les dents, jusqu’aux jardins et les piscines, en passant par le lavage des châlis et des voitures ;
Réduction draconienne des carburants, en laissant la voiture à la maison et en prenant le bus ou le vélo le plus souvent et le plus loin possible, quitte à être la risée du voisin, il finira par suivre ;
Réduction aussi de l’utilisation d’énergie électrique, ampoules en veilleuse, appareils en berne ;
Récupération systématique de ce qui peut paraître vieux mais qui peut encore servir, attitude souvent honnie parce que digne des pauvres des creveurs, une mentalité qui doit changer ;
Consommation juste des aliments ou consommation d’aliments justes en stoppant la boucherie et le gaspillage honteux, en privilégiant l’utilisation de piliers alimentaires comme patols et pipengaïs, en consommant tout, depuis la peau du pipengaï jusqu’à la pulpe et il en va de même pour les margozes car aucun aliment ne mérite la poubelle

Vous pensez que je prône le retour aux temps margozes ? Je propose des gestes simples et justes qui rétablissent l’équilibre. Des gestes qui, à la puissance 1 million, compteront lorsque Maurice fera ses comptes… Le but étant de réduire, chaque année un peu plus, la facture nationale des dépenses en carburant, de pesticides, du volume de déchets produits par les ménages
Un nouveau mode de vie qui est derrière la porte. A chacun de dresser sa propre liste, l’objectif final étant de faire le bon geste.
Une façon de devancer les coupures d’eau qui nous pendent au bout du nez…

Tuesday, November 17, 2009

Adieu camarades…

Il y a exactement vingt ans, en novembre 1989, le régime d’Allemagne de l’Est s’était résolu à laisser passer des milliers de manifestants massés aux postes frontières coupant Berlin en Est et Ouest. Une brêche s’était alors ouverte dans le mur de la honte. Le camarade Egon Krenz dernier dirigeant de la République Démocratique Allemande était impuissant et le camarade Gorbatchev, Premier secrétaire du Parti Coimmuniste soviétique, choisit de laisser faire et d’entrer dans l’histoire.

A l’époque, Berlin était encore coupée en deux: à l’ouest le camp de la liberté de penser et d’agir, à l’est celui de l’austérité et du dogmatisme. Deux types de régimes, deux modes de vie, deux idéologies qui ont divisé le monde pendant tout le 20e siècle. Avec la chute du mur, le 20e siècle commençait à s’éteindre, emportant avec lui les idéologues les plus obstinés, les moins clairvoyants qui refusaient de voir au delà du Rideau de Fer, un monde qui n’allait plus tarder à devenir global.

S’il y avait à donner une date pour marquer la fin d’une époque, c’est bien celle du mois de novembre 1989. A partir de cette date, l’ensemble des idées, des modes, des fonctionnements, commençèrent à changer. L’ancien temps, celui du 20e siècle, est révolu. La fin d’une époque, la fin des ideologies.

Mais l’histoire a la vie dure et le tournant d’un siècle se négocie toujours avec prudence. Vingt ans plus tard on en est encore à ressasser certains souvenirs, alors que d’autres habitudes/clichés ont la vie dure. Fini le temps où l’on affirmait sans discuter, sous l’influence d’un “secrétaire-général”, terme pudique pour nommer le dictateur du prolétariat et du peuple en général, que la meilleure attitude était celle qui était dictée par l’idéologie.

A Maurice, nous avons failli nous laisser séduire par ce modèle, surtout dans les années 70, pour finalement laisser passer l’orage et revenir à de meilleurs sentiments. Mais il y a quelques séquelles qui restent de cette époque. Les mauvais réflexes ont la vie dure et les mots qui les illustrent résonnent encore dans les couloirs vides des forteresses désaffectées du dogmatisme de gauche. Et s’il y en a un, dans le vocabulaire mauricien, qui reste comme une tache c’est bien le mot “camarade”, employé à tout bout de champ, surtout dans le paysage politique.

Le mot a eu son âge d’or. Expurgé de son sens premier, il a été accaparé par les communistes et repris en coeur et à gorges déployés sur les plateformes publiques et dans les forums. Galvaudé, il renvoie en fait à un corporatisme consistant à défendre uniquement une certaine doctrine défendant la pensée unique, exécrant le droit de propriété, prônant l’insurrection continuelle. Un mot qui convient plus, dans sa connotation actuelle, au despotisme, au dirigisme et à la dictature

Monopolisé par la génération politique et intellectuelle issue de Mai 1975, celle qui pretend détenir les clés du progrès et du salut, le “camarade” est en fait le porte-parole de la pensée unique. Il a colonisé l’expression politique mauricienne et ne veut plus s’en détacher, présent dans tous les forums où se discutent les affaires publiques.

Or, vingt ans après la Chute du Mur de Berlin, vingt après les coups de boutoir qui ont sonné le glas des idéologies, l’air que nous respirons, le rythme auquel nous bougeons, les expressions que nous employons, nos vies, ont changé. Nous n’avons plus rien à voir avec ce modèle éculé, avec ce type d’appellation confrérique empreinte du refoulement de toute individualité et de la dénégation des possibilités de différences.

En novembre 2009, nous célébrons l’espoir d’un nouvel élan mondial, après le choc euphorique de 1989. Nous avons mis vingt ans à en sortir. Preuve vivante que nous sommes désormais dans un autre siècle: les convives au banquet du 20e anniversaire de Berlin libérée. Angela Merkel, d’abord, première femme chancelière dans un pays qui s’inscrit comme l’un des plus avantgardistes au monde. Ensuite, invité surprise via une video, Barack Obama, premier président non Blanc de la première puissance politique, économique et culturelle du monde.

Leurs expressions en disent long sur leur état d’esprit, leurs ambitions, leurs attentes. Ils ont employé des mots tels que: abattre les murs de la division, unir les peuples, forger notre destinée humaine... L’expression politique, c’est aussi un art qui consiste à agencer les affaires publiques. Ils ont donné le ton, à nous d’accorder nos instruments.

Le 21e siècle c’est un nouvel élan, de nouvelles idées avec de nouveaux mots pour le décrire, le clamer, de nouvelles impulsions pour le matérialiser en une société différente. La camaraderie a fait long feu et ne nous a rien apporté, à tout le moins en ce qui me concerne. J’aimerais donc le bannir de mon vocabulaire. Place à la fraternité, à l’amitié entre les peuples.

Adieu “camarades... Je retiendrai peut-être de vous un certain sens de la solidarité, que vous n’avez d’ailleurs pas inventé. Mais nous je ne me priverai pas de jeter à la poubelle de l’histoire votre promotion exagérée de la pensée unique, votre aversion pour le droit de propriété, votre obsession du contrôle absolu des individus et votre goût immodéré pour l’insurrection perpétuelle. Sans rancune et bienvenu dans le 21e siècle!...

Monday, October 19, 2009

Et pour quelques “Brandeurs” de plus…

Et pour quelques “Brandeurs” de plus…

Maurice est un pays admirable (tiens, qui d’autre a dit ça?...) La liberté de dire y est, plus que nulle part ailleurs, un mode de vie. Et puisque j’y vis, je vais donc y aller moi aussi de mon petit laus et réagir, en premier lieu, au concert qui a retenti dans les colonnes du Mauricien du 14 octobre, en page 8, dans la rubrique Forum.

En lisant cette page, on a l’impression qu’une guerre ouverte a été declarée contre Mauritius, c’est un plaisir. Le Mauricien a ainsi rassemblé plusieurs opinions sous la même bannière. Ma réaction sera donc frontale. Elle s’adresse à ces personnes (la plupart sont Mauriciennes) qui ont exprimé leur opinion sur notre image de marque fraîchement dévoilée.

En fait, je serais plutôt tenté de dire qu’elles ont pris un malin plaisir à vouloir marquer au fer rouge une équipe avec laquelle j’ai le privilège de travailler, c’est un plaisir, qui fait tout le boulot depuis un sacré bout de temps déjà. Un boulot que personne d’autre n’a jamais pu ou su ou voulu faire auparavant.

Ainsi, l’une d’entre elles, ayant probablement perdu le nord, trouve des “M sans âme” des “Maurisiousse”, des montagnes a la place de l’ile, des “erreurs de stratégie”, une “absence de diversité”. Une autre obsédée, griffée semble-t-il par l’image du tigre, est “frappée de stupeur”, voit des “monstruosités architecturales” au pied du Pieter Both, se noie dans les “nuages de fumée” des véhicules et lorsqu’elle est dans les rues de Maurice, “slalome entre les crachats”. Une troisième, croyant bien faire, a eu la lumineuse idée de décliner une vingtaine de brands mais se tire une balle dans le pied puisqu’elles se révèlent au final beaucoup moins attrayantes que la nôtre. De dépit, elle finit par comparer Maurice à Blackpool, on se demande si elle ne s’est pas trompée d’hémisphère. Une autre encore affirme qu’une école primaire aurait pu pondre une meilleure image de marque, ce qui nous amène à nous interroger sur son niveau de compétence à lui.
Une dernière enfin, profitant de l’occasion pour régler quelques comptes et donner quelques leçons d’histoire (tiens, où ai-je entendu ça?...) livre une thèse cosmétique et/ou indigeste qu’elle aurait probablement rêvé voir valider et finit par dériver vers le tourisme sexuel.

Toutes ces personnes ou presque, soit dit en passant, ont un problème avec le fric. Elles citent avec avidité une somme d’argent comme si elles regrettaient de ne pas avoir pu l’empocher. Eh bien oui, un exercice comme celui qui a eu lieu depuis plus d’un an, ça a un prix et ça se paie, n’en déplaise à ces personnes.

Il est donc bien facile de résumer de raccourcir de réduire de détruire. Il est, en revanche, moins aisé de traduire, de suggérer, d’attirer, de créer. Et de plaire…

Quoiqu’il en soit, le Forum du Mauricien nous aura rendu un service: celui de démontrer à quel point des personnes d’horizons divers peuvent se retrouver dans la même impasse, lorsqu’elles sont porteuses de négativité, obsédées par le mauvais côté des choses, lorsqu’elles sont prêtes à abuser de leur liberté de dire (et d’écrire). Leur imagination est alors débordante, démesurée, désopilante, bref, vraiment pas sérieuse. Et si toute cette aigreur avait été transcendée en créativité PENDANT tout l’exercice de consultation multi-sectorielle qui a duré plus d’un an et mis à contribution l’ensemble des secteurs d’activités? Il faut croire que ces personnes ont choisi de ne pas lire le Mauricien (qui a régulièrement écrit sur tout l’exercice) durant toute cette période. Ou alors étaient-elles occupées à faire chauffer à blanc leurs fers à marquer ?

Prenant une certaine liberté avec la langue et les règles, je les appellerais les “Brandeurs”.

Avant de conclure et en dernier lieu, je voudrais réagir par rapport à l’éditorial de Gilbert Ahnee, paru dans le Mauricien du même jour, en page 3. Faisant écho à nos “Brandeurs”, le rédacteur en chef du Mauricien les qualifie d’ “observateurs avertis des tendances”, estimant aussi qu’ils sont “bien placés pour comprendre les enjeux de la stratégie et du positionnement”. Comme s’il suffisait de l’écrire pour que cela se transforme en réalité, dangereuse assertion!

Mais ne nous laissons plus assourdir par la rhétorique, je m’empresserai donc de tourner la page. Il est clair que ceux qui se sont exprimés sur la page publique du Mauricien n’ont jamais réellement pris la mesure de leur île. J’aimerais pouvoir les rassurer car pour moi vivre, être en vacances, travailler, aimer, boire et manger, s’investir, à Maurice, c’est, définitivement un plaisir…

Monday, October 5, 2009

Les militants de l’heure d’été

Les militants de l’heure d’été,
ou Lorsque le ridicule ne tue pas


Dans la nuit du 22 au 23 septembre derniers, un événement ordinaire s’est produit à l’île Maurice. Tellement ordinaire que ça a eu lieu dans l’indifférence, dans l’igorance générale. Occupés que nous étions tous à nos commémorations en tout genre et à notre brûlante actualité - brûlante pour la langue s’entend - nous l’avons occulté, comme nous le faisons d’ailleurs chaque année. Pourtant l’équinoxe – puisque c’est de lui qu’il s’agit – marque une étape importante dans le rythme de nos vies et de la nature qui nous entoure.

La date de l’équinoxe est immuable, ou presque, pusqu’elle peut varier d’un jour tous les 400 ans. L’équinoxe marque ainsi la fin de l’hiver tropical et annonce l’été. Ah! l’été, cette saison torride que nous envient tous les gens du nord… Celui de cette année sera pourtant un peu fade, comparé au précédent.

Je me rappellerai toujours de l’été 2008… Certaines personnes évoquent avec une grande nostalgie ces années qui auront marqué leur vie: l’été 1942, l’été 1968, l’été 1989… Pour moi, l’été 2008 fera date dans l’histoire de notre île et ce pour deux raisons intimement liées, revers d’une même médaille. En introduisant l’heure d’été, 2008 aura ouvert à certains les portes d’un horizon nouveau et aura révélé l’incapacité des autres à s’adapter au changement. L’idée était géniale, tellement géniale qu’elle ne sera pas renouvelée en 2009…

L’heure d’été avait donné une dimension nouvelle à nos petites vies insulaires, brisant la monotonie des journées poussives, prolongeant le moment magique qui marque la transition entre jour et nuit.
A 20h, nous étions encore dehors, à admirer le soleil couchant, à nous ébattre en plein air, à courir ou à marcher, à nous oxygéner les voies respiratoires, à nous recharger les neurones après nous être extirpés du trafic et des embouteillages.
Dix ou onze heures plus tard, il n’était pas encore levé que nous le devancions, sur le chemin de l’école et du travail, déjà prêts à reprendre le rythme infernal. Nous avancions à pas feutrés dans la douceur exquise du petit matin, tout à l’émerveillement d’une aube nouvelle, jusqu’à ce que les premiers rayons viennent éclairer notre journée.

Mais bon! l’été 2008 n’est plus qu’un souvenir puisque le gouvernement, à travers un communiqué bref comme une claque, a informé les Mauriciens que, cette année, il n’y aurait pas d’heure d’été à cause des protestations de divers groupes…

J’ai encore en mémoire le tollé, la levée de boucliers qu’a suscité l’heure d’été, avant même son introduction et tout au long de l’été 2008-09. Parents d’élèves, employés des transports, ouvriers, fonctionnaires, mais aussi certains religieux et même les… fans de foot se sont élevés contre la nouveauté, se constituant en groupes de pression, investissant les media et la place publique. Cette heure, ils n’en voulaient pas, elle leur est restée en travers de la gorge – ils n’ont d’ailleurs même pas pu en profiter, occupés qu’ils étaient à râler.

Et s’il avait fallu s’adapter, si la mesure d’économie d’énergie avait porté ses fruits à un plan national? Si le gouvernement, faisant fi de petites considérations égoïstes des citoyens lambda, avait imposé, cette année encore, la mesure? Comme le veut la coutume mauricienne, les lobbies se sont déchaînés, prêts à renverser le pouvoir, soucieux de défendre la forteresse des petites habitudes.

Les protestaires disaient qu’ils souffraient, avaient même exprimé leur inquiétude par rapport à la santé mentale de leurs enfants transformés, le temps d’un été, en zombies.

Je ne jugerai pas de la souffrance des autres, ce n’est pas mon rôle. Je me sens cependant obligé, au nom de ceux qui adhèrent aux idées nouvelles, de faire un constat. Avec l’introduction ratée de l’heure d’été sur une base permanente, c’est la faculté d’adaptation du Mauricien au changement qui a été sérieusement ébranlée. Durant l’été 2008, il a été soumis au test, il a échoué.

Pour la majorité d’entre nous, rien ne saurait remplacer les bonnes vieilles habitudes, les traditions. A part quelques retouches cosmétiques, apportées ça et là, nous refusons de voir modifier sous nos yeux le beau tableau que nous appelons notre quotidien. Nous ne pouvons supporter de voir notre train-train changer de rythme, prendre un chemin de traverse.

Quant à nos traditions, nous y sommes ancrés. Rien ne saurait nous en extirper. Elles exercent un chantage émotionnel sur nous, se substituent aux cultures et religions qu’elles sont censées représenter, en devenant l’objet même de la vénération.

Or, rien de tel pour mettre les traditions à l’épreuve que de les bousculer gentiment. Ainsi, à l’avenir, un nouveau groupe pourrait se constituer: celui des Adorateurs de l’Heure d’Eté. Il militerait pous plus de soleil, ferait ses libations le soir à l’autel du couchant. Il assiègerait les journaux, accaparerait les ondes, ferait pression sur les gouvernants pour ré-introduire l’heure d’été…

Ran nu ler lete! serait le slogan. Ridicule? Pas de crainte, le ridicule ne tue pas. La preuve en a largement été faite tout au long de l’été 2008-09.

Monday, September 28, 2009

L’Ile Ville

L’Ile Ville ou les effluves enchanteresses des cités enfouies


A Ebène, l’île Maurice du 21e siècle a déjà pris forme. Au delà de la vitrine que constitue la Cyber Cité, ses petites tours lumineuses, ses bretelles et ses rocades éclairées, son hôtel d’affaires brillamment fréquenté dès que la nuit tombe, Ebène c’est un peu le way forward métropolitain. En fermant les yeux (sauf si l’on est au volant!), on s’y croirait presque...
Du côté de Riche-Terre, l’on n’y est pas encore mais la ville nouvelle de Jinfei promet Rs 25 milliards d’investissement et la création d’un resort a Baie du Tombeau, jadis lieu de villégiature tombé en désuétude et qui ne demande qu’à renaître de ses cendres. Plus loin, dans l’espace et dans le temps, il y aura aussi Highlands, face à Ebène. Le tout sera relié par des ring roads et autres dream bridges.
Longtemps agricole et campagnarde, l’île Maurice est en train de changer de visage, à l’aube du 21e siècle. Les années 10 marqueront la fin d’une époque et le début d’une nouvelle ère, pour la clé de la Mer des Indes, perle de l’Océan Indien, celle de l’Ile-Ville. C’est l’appel de la modernité qui souffle comme une brise de mer transportant les effluves enchanteresses de cités enfouies sous les décombres de civilisations disparues. Pourquoi ne pas y répondre?
C’est une option et nous avons toutes les raisons de la prendre parce qu’elle nous ouvre les portes de la nouveauté. Cependant, un choix métaphysique – nourri d’idées et de principes issus de notre intelligence pure, nous permettant d’établir une unité entre l'être et l'essence des choses - s’impose à nous, avant même que nous ayons à tenir compte de considérations sociales, urbaines ou environnementales. Avec un oeil rivé sur le rétroviseur de l’Histoire et l’autre scrutant l’horizon nous devons nous poser la question suivante: que voulons nous comme avenir? Pour y répondre tâchons d’être inspirés et lucides.

En 1735, Mahé de La Bourdonnais donnait les premiers coups de pioche. Un peu plus tard, des voyageurs faisant halte à un relai de diligence des Plaines-Wilhems pour curer leurs pipes, contemplaient la vue qui s’offrait à eux, depuis la chaîne de Moka, jusqu’à la Mer des Indes. Avaient-ils prévu qu’une “Ville Lumière” serait érigée à cet endroit, quelques décennies plus tard?…
L’île a depuis longtemps été déflorée et je le dis tout net: nul besoin de la ranger dans la catégorie des vierges effarouchées... Depuis les débuts de l’occupation humaine, les Mauriciens n’ont jamais cessé de couper, de trancher dans le paysage. Comme tous les peuples du monde les Mauriciens ont modelé leur environnement immédiat, en fonction des besoins socio-économiques du moment. Ils ont aménagé des domaines, des jardins, des champs de canne à sucre, enlevant ébéniers et palmiers pour les remplacer par des casuarinas et d’autres espèces exotiques. Des options furent prises, des choix furent faits, suivant un contexte donné. Y en avait-il d’autres, a-t-on eu tort? Fallait-il abandoner l’île et la rendre aux dodos?
Ce n’est pas ce qui fut fait...

Nous avons l’île que nous méritons, elle s’étale tous les jours devant nos yeux. Aujourd’hui, il n’y a pas lieu de regretter quoi que ce soit mais, bien au contraire, de donner à l’oeuvre humaine, vieille de quatre siècles, toute sa dimension en gommant les erreurs et en rajoutant au tableau les détails qui en feront une oeuvre d’art. Inutile de faire un dessin. Les visiteurs qui nous arrivent chaque jour par milliers pour toucher du gros orteil le sable blond du paradis ne cessent de nous le répéter: on est bien au paradis!
Or nous, Mauriciens, ne rêvons que de ce que nous n’avons pas chez nous, du moins pas encore. Nos regards sont perdus ailleurs… Allez, avouons le, pour nous Mauriciens, le paradis n’aurait-il pas plutôt des allures de Champs Elysées, de Piccadilly Circus? Avec le soleil qui se couche dans un souffle de petite brise tropicale?...

A Port-Louis, le front de mer est la tête de pont du rêve de l’Ile Ville. Le 21e siècle y est dèjà en embuscade, bel exemple de ce que l’on peut faire de neuf et de brillant dans un vieil espace usé qui n’avait plus rien à voir avec les images qui enchantèrent Charles Baudelaire. Le beau a retrouvé sa place, même si elle n’est pas naturelle, dans un espace entièrement reconstruit. J’ai une envie folle et pressante de voir ce rêve s’accorder en genre et en nombre, se prolonger tout au long de l’autoroute M1 avec sur son parcours des “Ebène” qui s’égrènent comme un chapelet et se matérialiser en une arabesque urbaine, serpentant d’un bout à l’autre de l’île, dont la tête et la queue serait deux autres fronts de mer, à Mahébourg et Grand-Baie.

La ville n’est pas vile. Elle est peut être propre et durable, humble et économe

Avec ses 2 000 km2, l’île est trois fois plus grande que Singapour et ses 650 km2, disposant d’un ensemble plus cohérent que les Seychelles et leurs 450 km2 d’îlots éparpillés. La proposition est claire: il s’agit de bâtir à partir du bâti, de partir des zones urbaines vers l’extérieur, ceinturant la nature sans l’envahir, depuis le grand nord ses resorts et ses gros bourgs, le nord-est/nord-ouest, le centre et ses villes, centre-est/centre ouest jusqu’au littoral, le sud et ses villages, le sud-est et ses resorts, avec Port-Louis et sa grande périphérie comme boucle, point de départ et d’arrivée. La ceinture urbaine aurait alors toute sa cohérence.
Toute île doit s’aérer, toute ville doit respirer. L’île-ville conservera ses espaces naturels, qui, à défaut d’être vierges, sont des sanctuaires. Essentiels à son équilibre. Sa ceinture verte. Ce sont nos parcs, nos forêts, nos sommets, nos lacs. De Magenta à Chamouny en passant par Le Morne et Grand-Bassin, la ceinture sud-ouest est la plus large. Au sud-est, les Montagnes Bambous et l’espace allant de Ferney à Piton du Milieu en passant par Riche-en-Eau et au centre, depuis Camp Thorel jusqu’à La Nicolière en passant pas Montagne Longue et Nouvelle Découverte, sont les autres poumons de cet ensemble naturel. Les îlots comme l’île Ronde et l’île aux Aigrettes où le principe de conservation naturelle a vu le jour à Maurice, complètent le tableau.
L’Ile-Ville devra aussi identifier des activités industrieuses - et non pas industrielles - ingénieuses et efficaces comme le travail de l’abeille qui lui permettent d’être en accord avec tout ce qui est en train de se mettre en place dans le monde à l’aube du 21e siècle. Ces activités sont encore balbutiantes chez nous.
Que ferait-on des domaines que l’on a qualifié un peu rapidement d’ “intégrés” ? Ils ne sont pas une référence dans la mesure où ils sont des poches d’occupation, d’aménagement – quoiqu’admirables aux plans architectural, paysagiste – mais trop éloignés du principe de base énoncé plus haut: bâtir en partant du bâti, des zones déjà urbanisées, jusqu’à la limite à ne pas franchir, celle de la ceinture verte de façon à et ne pas investir la nature là où elle est la plus exhubérante et fragile.
L’empreinte que l’homme laisse sur la nature doit être uniquement son habitat - ou tout autre espace dédié à cette fonction et à ses corollaires – qui répond aux différents critères du beau.
Ici il convient d’être clair: rien ne pourra se faire si les règles élémentaires de santé, de salubrité, d’équilibre, ne sont pas respectées.

L’autre soir, je suis passé par Ebène et en voyant les petites tours lumineuses, les bretelles et les rocades éclairées, l’hôtel d’affaires qui bourdonne des sons de la nite life, bref de toutes sortes de promesses métropolitaines, j’ai été envahi par un sentiment d’excitation que j’ai voulu partager et qui m’a poussé à écrire tout ce qui précède.
Maintenant, toute la question est de savoir ce que nous voulons, ce que nous sommes prêts à faire. Moi, j’ai déjà ma réponse à la question. Et vous? Quelle est votre vision, votre part d’acceptation du projet d’île-ville?
Lorsque nous aurons tous répondu, de façon unanime à toutes ces questions et seulement à ce moment là, alors nous pourrons nous atteler à la tache. Elle est titanesque et occupera plusieurs générations de Mauriciens durant les 100 prochaines années.