Tuesday, November 17, 2009

Adieu camarades…

Il y a exactement vingt ans, en novembre 1989, le régime d’Allemagne de l’Est s’était résolu à laisser passer des milliers de manifestants massés aux postes frontières coupant Berlin en Est et Ouest. Une brêche s’était alors ouverte dans le mur de la honte. Le camarade Egon Krenz dernier dirigeant de la République Démocratique Allemande était impuissant et le camarade Gorbatchev, Premier secrétaire du Parti Coimmuniste soviétique, choisit de laisser faire et d’entrer dans l’histoire.

A l’époque, Berlin était encore coupée en deux: à l’ouest le camp de la liberté de penser et d’agir, à l’est celui de l’austérité et du dogmatisme. Deux types de régimes, deux modes de vie, deux idéologies qui ont divisé le monde pendant tout le 20e siècle. Avec la chute du mur, le 20e siècle commençait à s’éteindre, emportant avec lui les idéologues les plus obstinés, les moins clairvoyants qui refusaient de voir au delà du Rideau de Fer, un monde qui n’allait plus tarder à devenir global.

S’il y avait à donner une date pour marquer la fin d’une époque, c’est bien celle du mois de novembre 1989. A partir de cette date, l’ensemble des idées, des modes, des fonctionnements, commençèrent à changer. L’ancien temps, celui du 20e siècle, est révolu. La fin d’une époque, la fin des ideologies.

Mais l’histoire a la vie dure et le tournant d’un siècle se négocie toujours avec prudence. Vingt ans plus tard on en est encore à ressasser certains souvenirs, alors que d’autres habitudes/clichés ont la vie dure. Fini le temps où l’on affirmait sans discuter, sous l’influence d’un “secrétaire-général”, terme pudique pour nommer le dictateur du prolétariat et du peuple en général, que la meilleure attitude était celle qui était dictée par l’idéologie.

A Maurice, nous avons failli nous laisser séduire par ce modèle, surtout dans les années 70, pour finalement laisser passer l’orage et revenir à de meilleurs sentiments. Mais il y a quelques séquelles qui restent de cette époque. Les mauvais réflexes ont la vie dure et les mots qui les illustrent résonnent encore dans les couloirs vides des forteresses désaffectées du dogmatisme de gauche. Et s’il y en a un, dans le vocabulaire mauricien, qui reste comme une tache c’est bien le mot “camarade”, employé à tout bout de champ, surtout dans le paysage politique.

Le mot a eu son âge d’or. Expurgé de son sens premier, il a été accaparé par les communistes et repris en coeur et à gorges déployés sur les plateformes publiques et dans les forums. Galvaudé, il renvoie en fait à un corporatisme consistant à défendre uniquement une certaine doctrine défendant la pensée unique, exécrant le droit de propriété, prônant l’insurrection continuelle. Un mot qui convient plus, dans sa connotation actuelle, au despotisme, au dirigisme et à la dictature

Monopolisé par la génération politique et intellectuelle issue de Mai 1975, celle qui pretend détenir les clés du progrès et du salut, le “camarade” est en fait le porte-parole de la pensée unique. Il a colonisé l’expression politique mauricienne et ne veut plus s’en détacher, présent dans tous les forums où se discutent les affaires publiques.

Or, vingt ans après la Chute du Mur de Berlin, vingt après les coups de boutoir qui ont sonné le glas des idéologies, l’air que nous respirons, le rythme auquel nous bougeons, les expressions que nous employons, nos vies, ont changé. Nous n’avons plus rien à voir avec ce modèle éculé, avec ce type d’appellation confrérique empreinte du refoulement de toute individualité et de la dénégation des possibilités de différences.

En novembre 2009, nous célébrons l’espoir d’un nouvel élan mondial, après le choc euphorique de 1989. Nous avons mis vingt ans à en sortir. Preuve vivante que nous sommes désormais dans un autre siècle: les convives au banquet du 20e anniversaire de Berlin libérée. Angela Merkel, d’abord, première femme chancelière dans un pays qui s’inscrit comme l’un des plus avantgardistes au monde. Ensuite, invité surprise via une video, Barack Obama, premier président non Blanc de la première puissance politique, économique et culturelle du monde.

Leurs expressions en disent long sur leur état d’esprit, leurs ambitions, leurs attentes. Ils ont employé des mots tels que: abattre les murs de la division, unir les peuples, forger notre destinée humaine... L’expression politique, c’est aussi un art qui consiste à agencer les affaires publiques. Ils ont donné le ton, à nous d’accorder nos instruments.

Le 21e siècle c’est un nouvel élan, de nouvelles idées avec de nouveaux mots pour le décrire, le clamer, de nouvelles impulsions pour le matérialiser en une société différente. La camaraderie a fait long feu et ne nous a rien apporté, à tout le moins en ce qui me concerne. J’aimerais donc le bannir de mon vocabulaire. Place à la fraternité, à l’amitié entre les peuples.

Adieu “camarades... Je retiendrai peut-être de vous un certain sens de la solidarité, que vous n’avez d’ailleurs pas inventé. Mais nous je ne me priverai pas de jeter à la poubelle de l’histoire votre promotion exagérée de la pensée unique, votre aversion pour le droit de propriété, votre obsession du contrôle absolu des individus et votre goût immodéré pour l’insurrection perpétuelle. Sans rancune et bienvenu dans le 21e siècle!...

1 comment:

  1. Haha, attention à l'optimisme excessif, le 21eme c'est aussi l'envol out of control de la mondialisation, le plus grand écart jamais connu entre les riche et les pauvres dans tous les pays du monde et le milliard atteint de creves la faim !

    ReplyDelete